Depuis le 19 novembre 2018, alors que son président Carlos Ghosn a été arrêté au Japon, la gouvernance du groupe Renault reste un sujet sensible. L’ancien patron du constructeur est accusé de divers faits de détournement financier d’une valeur de plus de 70 millions d’euros.
En plus d’avoir sapé la confiance des actionnaires, dont Bercy, cette affaire a surtout soulevé de lourdes questions quant à l’alliance Renault – Nissan, alors que le groupe au losange détient 43,4% des parts du constructeur japonais et que ce dernier détient 34% de Mitsubishi. Le moment avait été ainsi choisi par Nissan, dirigé alors par Hiroto Saikawa, pour réclamer l’égalité des voix au sein de l’alliance, alors que ses parts ne s’élèvent plus qu’à 15% depuis le mariage.
Cependant, pour le groupe, le début d’une ère nouvelle passe nécessairement par une totale refonte de son administration. C’est dans ce cadre que le conseil a convoqué son conseil en urgence ce vendredi 11 octobre 8 heures.
Instabilité continue au sein de la Direction de Renault
Après la démission de Carlos Ghosn de son poste de président de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, le 24 janvier, la gouvernance du groupe est prête à être décidée après une direction intérimaire d’urgence constituée par Philippe Lagayette, comme président non-exécutif, et Thierry Bolloré, comme directeur général.
Actuellement, le poste de président non-exécutif est tenu par Dominique Senard, président du groupe Michelin, tandis que Thierry Bolloré est resté Directeur Général du constructeur français.
La crise perdure au niveau de l’administration de Renault
Alors que Carlos Ghosn est démis de sa fonction de triple Président au niveau de l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, aux charges retenues par le Japon à son encontre se sont également rajoutées celles prononcées par la SEC, le gendarme financier américain. Ce dernier accuse l’ancien patron, libéré sous caution par la justice nippone, d’avoir dissimulé près de 140 millions de dollars de rémunération et d’indemnité de retraite. En plus d’avoir payé 1 million de dollar d’amende civile, il est également interdit par la SEC d’être membre du conseil ou de diriger une entreprise cotée en bourse pour une durée de 10 ans.
La page a donc bien été tournée par rapport à l’ère Ghosn chez Renault, tandis que le nouveau tandem à la tête de ce dernier semblait être en parfaite osmose. En effet, Thierry Bolloré a déclaré fin juillet que sa collaboration avec Dominique Senard est marquée par une bonne entente et un dialogue continu, leurs bureaux étant presque voisins. Le Directeur général actuel du groupe est le seul des lieutenants de Ghosn à avoir su se hisser au sommet, à la succession de son mentor.
Il avait notamment été désigné par l’ancien PDG comme directeur général adjoint en début 2018. Il assure donc la continuité des efforts du patron déchu à tirer le groupe Renault au sommet du secteur. Cependant, la suite des investigations concernant les responsabilités de certains hauts dirigeants du groupe et les pressions de son actionnaire majoritaire, l’Etat français, ainsi que les indiscrétions de la presse continuent d’alimenter la crise.
Une période estivale sombre pour Renault
Le 27 mai, le groupe est face à une surprise de taille, avec la proposition de fusion émise par Fiat Chrysler (FCA). L’offre est alors scrupuleusement étudiée par le Conseil du groupe et aboutit à une longue période de négociation entre les deux constructeurs, qui s’étend sur plusieurs semaines. Ce projet fait cependant ressurgir les tensions entre Renault et Nissan, à cause de l’exclusion de ce dernier des tractations en cours.
S’ensuit ainsi l’opposition du constructeur nippon à la proposition de fusion de FCA, tandis que l’Etat français évoque comme condition à son approbation, la ratification de Nissan. Le 6 juin, le conseil du groupe déclare ainsi l’échec du projet et John Elkann, le président de FCA, abroge son offre.
Renault résiste à la crise, mais les tempêtes s’enchaînent
Alors que le projet de fusion avec FCA tombe à l’eau, Dominique Senard en profite pour briller une semaine plus tard devant les actionnaires. Il y a notamment défendu le projet de fusion avec FCA, qu’il juge valorisante, robuste et positive, face aux contextes actuellement traversés par l’industrie automobile et la montée des marques chinoises. Il en explique cependant l’échec à cause de l’opposition de l’Etat français, l’actionnaire principal du groupe. Son intervention lui vaut d’ailleurs d’énormes applaudissements et 90% des voix pour la poursuite de son mandat.
Suite aux épisodes de dossiers sensibles traversés par le groupe, ce dernier a observé sans pouvoir faire grand-chose, la fuite de la plupart de ses cadres, comme Arnaud Deboeuf le directeur de l’alliance Renault-Nissan, qui a rejoint son principal concurrent, le groupe PSA, début septembre. S’en est également suivi, mi-septembre, la démission d’Hiroto Saikawa de la présidence de Nissan.
Senard déclare cependant que la réussite de Renault passe par celle de Nissan, bien que la reprise de confiance entre les deux partis soit lente. Il ajoute néanmoins que personne ne songe à dissoudre ce mariage. D’ailleurs, malgré la crise, Thierry Bolloré informe que le groupe a malgré tout réalisé de bons profits, bien que le chiffre d’affaires ait baissé durant le dernier semestre.
Si Renault semble être bien armé pour surmonter cette crise, la gouvernance du groupe est encore remise en question. En effet, la relation entre Senard et Bolloré ne s’est pas montré aussi harmonieuse qu’elle paraissait. La réunion d’urgence du Conseil ce vendredi statuera sur la nécessité de mettre en place une nouvelle Direction.