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Un an après, les indépendantistes catalans déboussolés et divisés

Il y a un an, les indépendantistes faisaient bloc pour organiser en Catalogne un référendum d’autodétermination interdit et proclamer une éphémère République. Aujourd’hui, le camp séparatiste est désuni et sans stratégie définie.

«On avait tout mis en oeuvre pour faire le référendum, on les suivait aveuglément mais on se rend compte que ce n’était que de fausses promesses», déplore Adria, séparatiste acharné de 23 ans, qui proteste contre le gouvernement catalan présidé par l’indépendantiste Quim Torra.

Avec une vingtaine d’autres personnes, ce jeune homme – qui refuse de donner son nom – campe depuis des jours devant le siège de l’exécutif régional à Barcelone pour exiger des élus «qu’ils aillent vers la République ou qu’ils démissionnent».

«Dans les annales»

Le 1er octobre 2017, les indépendantistes catalans avaient mis Madrid dans l’embarras en parvenant à organiser un référendum strictement interdit, marqué par des violences de la police nationale venue empêcher le vote. Les images avaient fait le tour du monde.

«Le 1er octobre a été un malheur pour tous parce que l’image de l’Espagne en a beaucoup souffert», a récemment reconnu le nouveau ministre des Affaires étrangères, le socialiste Josep Borrell.

Selon les organisateurs de ce vote illégal, 2,3 millions d’électeurs, sur un total de 5,5 millions, y ont participé et 90% ont dit «oui» à une république catalane indépendante.

Depuis, la «situation est dans l’impasse», souligne l’analyste politique catalan Josep Ramoneda.

«C’est un moment qui restera dans les annales de l’indépendantisme mais qui a aussi montré ses limites évidentes: avec 2 millions de personnes, il n’a pas les moyens d’imposer la voie unilatérale», constate-t-il.

La proclamation d’indépendance du 27 octobre 2017 l’a ensuite mis en évidence: aucun pays n’a reconnu la République catalane et le gouvernement espagnol a pu destituer sans problème le président régional Carles Puigdemont, dissoudre le parlement catalan et convoquer de nouvelles élections.

Puigdemont et d’autres dirigeants se sont empressés de partir vers la Belgique tandis que le reste du gouvernement régional a été emprisonné pour «rébellion». En décembre, les indépendantistes ont toutefois retrouvé leur majorité absolue en sièges à la chambre régionale, même s’ils n’ont réuni que 47% des suffrages.

Faute de pouvoir réélire l’indépendantiste «exilé» Carles Puigdemont, les séparatistes ont placé à la présidence catalane l’un de ses fidèles, Quim Torra.

«Nombreuses divisions»

Mais les stratégies des différentes formations séparatistes divergent désormais nettement.

Les fidèles de Puigdemont, ainsi que le petit mouvement de gauche radicale CUP, entendent alimenter le conflit avec Madrid.

Le parti indépendantiste de gauche ERC – marqué par l’emprisonnement de son principal responsable, Oriol Junqueras – prône plutôt la modération, de même que certains courants du parti de Puigdemont.

Qualifié de «suprémaciste» par ses adversaires pour avoir critiqué de manière virulente par le passé «les Espagnols», Quim Torra tient encore des discours enflammés contre Madrid et ne cesse de réclamer la remise en liberté des neuf indépendantistes emprisonnés.

Mais il a accepté d’engager une négociation avec le nouveau chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez.

Arrivé au pouvoir en juin, grâce au renversement surprise du conservateur Mariano Rajoy, le socialiste se targue d’avoir rouvert le dialogue avec la Catalogne.

«Il y a une coopération en coulisses avec le gouvernement central mais le discours officiel (du gouvernement catalan) reste le même», dit Joan Botella, professeur de sciences politiques à l’Université autonome de Barcelone.

«L’indépendantisme est fragmenté en trois partis et il existe en plus une ligne de division entre les dirigeants à l’étranger et ceux qui sont en prison», dit-il. Or «quand il y a de nombreuses divisions, la situation se bloque et personne n’a la capacité de prendre l’initiative», conclut Botella.

La préoccupation commence à poindre au sein des puissantes associations qui, pendant des années, ont mobilisé pacifiquement d’immenses foules d’indépendantistes. Lundi, un an jour pour jour après le référendum, elles organiseront une manifestation à Barcelone pour réclamer que «se réalise le désir de la majorité du peuple de Catalogne».

«Nous connaissons les difficultés mais nous aimerions reprendre le chemin vers l’indépendance», dit la présidente de l’association Assemblée nationale catalane (ANC), Elisenda Paluzie.

«Nous voulons éviter les pas en arrière», dit-elle.

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