Neuf organisations de retraités ont appelé à une manifestation mercredi. Mais il n’est pas toujours facile de mobiliser cette catégorie d’âge.
Les retraités maintiennent la pression sur l’exécutif et sa majorité. Pour la quatrième fois en à peine plus d’un an, ils seront dans la rue mercredi, à l’appel de neuf organisations syndicales et associations, dont la CGT, FO, la CFTC ou l’Union nationale des retraités et des personnes âgés (UNRPA), avec un cortège principal à Paris, place de la République. La CFDT, pour sa part, organisera une action solitaire jeudi, Parvis de la défense. Dans leur viseur : la hausse de la CSG, déjà entrée en vigueur en 2018, la désindexation des pensions, prévue pour 2019, ou encore l’absence de mesures probantes pour lutter contre les déserts médicaux et l’isolement des retraités.
Mais à quelle mobilisation peut-on vraiment s’attendre ? Pour l’heure, les retraités peinent encore à susciter un mouvement d’ampleur. Le plus gros succès des organisations syndicales et associations reste la journée du 15 mars, où 7.000 (selon la police) à 30.000 personnes (les organisateurs) avaient fait entendre leur voix dans les rues de la capitale. Les deux autres manifestations, le 25 septembre 2017 et le 14 juin dernier, avaient réuni deux à trois fois moins de monde, et presque tous les participants étaient issus des associations organisatrices. Pour changer la donne et tenter de grossir les rangs, les organisateurs cherchent à maintenir la flamme militante des anciens syndiqués, ou à la faire naître chez les déçus du Macronisme.
« Même à 85 ans, ils continuent d’aller sur les marchés ! »
« Nous allons multiplier les points de rencontres, sur les marchés, dans les maisons de retraite : partout où sont les retraités actuels ou les futurs. Nos militants ont entre 60 et 85 ans. Mais je peux vous assurer que même à cet âge-là, nos militants continuent d’aller sur les marchés ! », explique à Europe 1 Pascal Santoni, responsable de la communication de la CGT retraités, qui compte plus de 100.000 adhérents en France. « Aujourd’hui, plus de 80% de nos membres sont d’anciens syndiqués. D’autres sont des gens qui n’avaient jamais pu se syndiquer car ils avaient peur d’être discriminés dans leur entreprise, et qui décident de franchir le cap une fois à la retraite. Mais nous allons intensifier les rencontres pour attirer le plus large panel de monde possible, hors du monde syndical ou associatif », poursuit Pascal Santoni.
À en croire les premières remontées du terrain, la grogne serait en train de monter. Depuis la manifestation du 15 mars, le nombre d’adhésions à la CGT retraités connaît une « hausse sensible », même s’il est trop tôt pour donner un chiffre précis. Même son de cloche du côté de l’Union nationale des retraités et des personnes âgés (UNRPA), une association d’aide aux retraités qui existe depuis 1945. « Nos campagnes d’adhésion se font en décembre ou janvier. Mais pour la première fois depuis bien longtemps, nous recevons déjà de nouvelles demandes d’adhésion au niveau national. Le 15 mars a constitué une étape très importante dans la mobilisation », avance Roger Perret, membre du bureau national des retraités de l’UNRPA.
« Ils se sentent déconsidérés, trahis »
Cette association apolitique et a-syndicale de 80.000 membres, fortes de 700 antennes réparties dans plusieurs villes et villages de France, n’a, à l’origine, par pour vocation première de descendre dans la rue. Mais les questions politiques prennent de plus en plus de place en son sein. « L’une de nos principales missions, à la base, c’est de lutter contre l’isolement. Nous organisons des repas, des spectacles, des parties de cartes. Or, lors de nos rencontres, il y a de plus en plus de personnes qui expriment leur mécontentement envers la politique actuelle, y compris des électeurs d’Emmanuel Macron. Ils se sentent déconsidérés, trahis », raconte Roger Perret.
Et d’enchaîner : « Les manifestations, les gens en parlent entre eux, nous en parlons dans les Assemblées générales. Parfois il y a d’anciens militants qui proposent d’aller manifester. Mais la situation actuelle fait que même des personnes qui n’ont jamais été militant nulle part se portent désormais volontaires ».
« Ce jour-là, on a fait un Post Facebook qui a fait 180.000 vues »
Au-delà de leur maillage territorial habituel, les organisations de retraités entendent bien investir tous les terrains pour attirer de nouveaux frondeurs, y compris internet. La plupart des syndicats et associations investissent dans leur site, et entretiennent leur présence sur Facebook et Twitter. Et depuis le 15 mars, sur ce terrain également, on sent un frémissement. « Ce jour-là, on a fait un Post Facebook qui a fait 180.000 vues, un record. Et nous avons fait plusieurs succès de ce type depuis », détaille Pascal Santoni. Et de poursuivre : « Ceux qui ont 70 ans aujourd’hui sont plutôt fermés à internet. Mais ce n’est déjà plus le cas des nouveaux retraités, beaucoup plus actifs sur la toile ».
Investir le web et multiplier les actions sur le terrain : l’enjeu d’une telle stratégie est d’autant plus important que pour avoir l’oreille du gouvernement, il va falloir attirer bien au-delà des retraités. Alors que les fédérations de salariés peuvent mobiliser des cars entiers et des personnes qui traverseront la France pour défiler pendant des heures à Paris, les capacités ne sont pas les mêmes pour les retraités. D’autant qu’un retraité en grève n’a pas la même possibilité de nuisance ou de blocage qu’un cheminot de la SNCF ou un enseignant qui prépare le bac.
« Nous avons des problématiques propres, ce n’est pas toujours facile pour les personnes âgées de manifester. Et nous avons moins de moyens financiers que les fédérations de salariés », reconnaît Pascal Santoni, qui conclut : « L’idée libérale qui veut que tout le monde peut s’en sortir seul, actuellement à la mode, n’aide pas non plus. Il va nous falloir faire attention à unir les actifs et les retraités. »