Tesla promet de révolutionner l’automobile. Mais le fabricant américain de voitures électriques haut de gamme doit composer en permanence avec la personnalité surdimensionnée de son fondateur, Elon Musk.
Samedi il a échappé au pire en signant un accord à l’amiable avec le gendarme de la bourse américaine, qui l’accusait de fraude: il reste directeur général de Tesla, en échange de son poste de président du conseil d’administration et de 20 millions d’amende.
A 47 ans, le milliardaire au génie fantasque continuera donc de diriger l’entreprise au jour le jour, pour le meilleur ou le pire.
Les succès, grâce à Elon Musk
C’est l’ambition d’Elon Musk: faire de la voiture un bijou technologique, résolument tourné vers l’avenir, à la fois électrique pour préserver l’environnement et préfigurant la voiture du futur, avec des fonctions de conduite autonome.
Né il y a 15 ans, Tesla profite largement de l’engouement pour la personnalité de M. Musk, souvent vu comme bouillonnant visionnaire et comparé parfois à un autre patron célèbre: Steve Jobs, le mythique co-fondateur d’Apple.
«Musk est effectivement Tesla», résume David Whiston, analyste chez Morningstar.
Symbole de son entreprise –dont il détient 20%– et sa marque, il s’y donne corps et âme, répondant directement aux clients via son compte Twitter à toute heure, n’hésitant pas à dormir dans son usine de Fremont près de San Francisco pour tenir les objectifs de production de son dernier-né, le Model 3.
Pari tenu selon Elon Musk, avec comme prévu 5.000 véhicules produits chaque semaine depuis fin juin, après de gros retards de production. Victime de son succès, elle connaît maintenant des retards de livraison.
Cette voiture –dont le prix démarre pour l’instant à 49.000 dollars contre environ 75.000 pour le Model S– est censée permettre à Tesla de pénétrer le segment moyen de gamme et d’atteindre une production de masse.
Résultat, même si Tesla n’a dégagé de bénéfices que sur deux trimestres en 15 ans et continue actuellement de brûler des centaines de millions de dollars chaque trimestre, sa valorisation boursière avoisine celle de General Motors, le premier constructeur automobile américain.
Les controverses, à cause d’Elon Musk
Peu de semaines passent sans des nouvelles de Tesla ou de son patron. Les médias ont couvert largement ces derniers mois plusieurs accidents, dont certains mortels, impliquant des Tesla et le logiciel d’aide à la conduite Autopilot, au grand dam de M. Musk.
Le milliardaire est coutumier des coups de sang et de tweets ravageurs, régulièrement sanctionnés en Bourse.
Comme lorsqu’il dit à des analystes financiers que leurs questions l’«emmerdent» ou qu’il traite de «pédophile» un spéléologue qui a aidé au sauvetage d’enfants coincés dans une grotte en Thaïlande.
Ou encore lorsqu’il passe du rire aux larmes lors d’un entretien avec la presse en août ou se montre fumant du cannabis devant des dizaines de milliers d’internautes début septembre.
Mais le 7 août, il va trop loin aux yeux des autorités. Dans un tweet, il évoque une sortie de la Bourse de Tesla et un financement «assuré». Le titre Tesla bondit, ceux qui avaient parié sur sa baisse perdent une fortune, mais rien de concret ne suit.
Le gendarme de la bourse américaine (SEC) poursuit Elon Musk en justice et demande qu’il soit interdit de diriger une entreprise cotée à vie.
Finalement, l’accord à l’amiable conclut samedi le sauve pour l’essentiel. Mais ces remous ne sont pas forcément au goût de tous les investisseurs et de tous les clients.
L’avenir: avec ou sans Elon Musk ?
C’est le dilemme de Tesla, car les frasques de son dirigeant commencent à lasser Wall Street et à lui coûter cher. L’action a perdu 43% depuis le 7 août.
La SEC a répondu en creux samedi. Elon Musk, le fondateur, le principal actionnaire est aussi l’«âme» de l’entreprise et pourra donc continuer à la gérer au jour le jour. Mais pour isoler le génie de ses excès et «protéger les investisseurs», elle veut un conseil d’administration plus indépendant qui supervise «la communication de Musk avec les investisseurs».
«Malgré le comportement erratique de M. Musk récemment, nous pensons que la plupart des investisseurs voudraient le voir rester dans l’entreprise», observait l’analyste Garrett Nelson de CFRA avant l’accord.
Ils «la valorisent en Bourse à un niveau très élevée en raison du potentiel qu’ils attribuent à la capacité de M. Musk à faire grandir le groupe», ajoutait-il.
En 1985, le conseil d’administration d’Apple avait mis Jobs sur la touche avant de le renommer PDG 12 ans plus tard pour redresser l’entreprise à la peine.
Les investisseurs de Tesla pourront voter en bourse lundi.