Les Français, comme les Européens, parcourent de moins en moins de kilomètres avec leur voiture individuelle et achètent moins de véhicules neufs, privilégiant le marché de l’occasion, la conséquence d’un manque de pouvoir d’achat mais aussi d’un rapport plus utilitaire à l’automobile.
Au début des années 1990, les ventes aux particuliers représentaient les trois quarts du marché automobile français, aujourd’hui on est à moins de la moitié, constate Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem de l’automobile. «Ce qui est frappant, c’est que la baisse est constante sur les 25 dernières années» et elle est générale en Europe, explique-t-il.
Si les ventes neuves se maintiennent globalement sur ces marchés matures, c’est grâce aux achats des entreprises, y compris pour les véhicules de fonction.
La voiture, célébrée la semaine prochaine au Mondial de l’Auto à Paris, reste un moyen de déplacement incontournable pour beaucoup, mais sa place est remise en cause dans les grandes agglomérations, avec la multiplication des encombrements et une pollution de l’air de moins en moins tolérée.
«Il y a bien sûr un problème de pouvoir d’achat, les automobiles sont de plus en plus chères», estime M. Neuvy. «Les jeunes n’achètent pas de voitures neuves, mais ce n’est pas qu’ils les rejettent ou n’en ont pas besoin. C’est simplement qu’elles sont financièrement hors de portée».
«Le gros de la population se tourne vers les véhicules d’occasion», explique Jean-François Doulet, spécialiste des mobilités et auteur de l’Atlas de l’automobile. Il souligne que le taux d’équipement ne cesse en fait d’augmenter et qu’il faut considérer le marché dans sa globalité. Le marché de l’occasion progresse et représente plus de deux fois les volumes du neuf.
Au début des années 1990, chaque année, environ 7% des ménages achetaient une voiture neuve. Aujourd’hui c’est deux fois moins, et les véhicules achetés sont aussi moins utilisés. Le kilométrage parcouru baisse en moyenne de 100 km par an. Résultat: la voiture s’use moins et on la garde plus longtemps…
Ce vieillissement du parc n’est pas sans effet pervers. Les voitures anciennes polluent plus que les modèles récents. Elles émettent en moyenne plus de gaz à effets de serre, d’oxydes d’azote et de particules fines dans l’air que nous respirons.
Le phénomène Dacia
Désormais, «les acheteurs de véhicules neufs ont un profil très particulier, plus masculin, plus senior. L’âge moyen des acheteurs est autour de 55 ans», poursuit M. Doulet.
Les voitures, toujours plus perfectionnées, mieux équipées, ne cessent de voir leurs prix enfler plus vite que l’inflation. En France, le tarif moyen des modèles neufs atteignait cette année près de 27.000 euros. En Allemagne, il est même supérieur à 30.000 euros.
«Mécaniquement, cela a sorti du marché du neuf une partie de la population. Il y a une partie de la clientèle qui ne peut pas ou ne veut pas mettre autant d’argent dans une voiture», constate M. Neuvy.
Cette tendance est une aubaine pour la marque Dacia (groupe Renault), spécialiste de la voiture à bas coût et quasiment sans concurrence sur ce créneau. Sa citadine Sandero a été le modèle le plus vendu en Europe auprès des particuliers au cours du premier semestre, d’après les données de Jato Dynamics. Son Duster est aussi le 4×4 de loisir (SUV) le plus vendu du continent, toujours si on exclut la clientèle d’entreprises.
«Pour une grande partie de la population, celle qui ne peut pas se passer de la voiture, l’usage est prédominant», estime Guillaume Crunelle, responsable automobile chez Deloitte. «L’émergence de nouvelles solutions de mobilité», comme l’autopartage ou le covoiturage, pose, selon lui, de plus en plus la question de l’achat ou non du véhicule.
«Il est devenu plus facile de conduire une automobile sans la posséder». Pour beaucoup de gens, «elle n’est plus un produit de luxe mais un bien de consommation courante», un simple moyen de transport, assure Felipe Munoz, analyste automobile chez Jato.